Les manuels d’histoire ont trop longtemps ignoré que la Corse avait été le premier département de France a être libéré dès septembre 1943.
Pour avoir été cité à l’Ordre de la Nation avec Croix de Guerre, un honneur qu’il partage avec Bastia et Levie, le village de Petreto Bicchisano peut s’enorgueillir d’avoir été l’un des hauts lieux de la Résistance et l’on ne pourrait en aucun cas passer sous silence le sacrifice héroïque de ces hommes d’exception qui ont été l’honneur du village.
Dès le début de 1943 alors que la Corse est occupée par 80 000 soldats italiens, quelques hommes de Petreto Bicchisano, au nombre desquels Dominique Bighelli, Jules Mondoloni, Paul Bungelmi, Charles Giacomini, Charles Vinciguerra et une grande partie des habitants du hameau de Penta organisent la résistance sous l’égide du Front national.
En avril le capitaine de gendarmerie Paul Colonna d’Istria dit Cesari, un enfant du village, s’impose comme le coordinateur principal entre la Résistance et Alger avant d’en devenir l’organisateur et l’un des chefs du Front national. Dirigeant exceptionnel, il sera un des principaux artisans de la victoire finale.
Député d’Alger en 1951, il sera nommé général en 1956.
Sur la plage de Cupabia vers Serra di Ferro, le sous marin britannique Le Saracem, débarque trois hommes le 11 février 1943. Guy Verstraete dit Vernuge, Charles Simon Andréi et Antoine Colonna d’Istria ont pour mission de créer un réseau de renseignement sur les activités italiennes dans le littoral sud. Le 12 avril une patrouille arrête les agents de renseignement qui seront fusillés en juillet.
Antoine Colonna d’Istria sera le seul rescapé, il était chef d’entreprise à Alger et originaire du village.
Dès le mois de mai la guérilla s’intensifie, à Ajaccio Paul Bungelmi, enfant du village, prend la tête de 2000 participants aux obsèques de Louis Frediani, les italiens n’osent intervenir, il devient le responsable du Front patriotique des jeunes. Le 17 juin à Ajaccio dans la Brasserie Nouvelle du Cours Napoléon, une réunion de dirigeants du FN est interrompue par l’arrivée d’agents du contre espionnage italien.
Une fusillade nourrie s’ensuit ou cours de laquelle des ennemis sont abattus. André Giusti est tué, Jules Mondoloni gravement touché est fait prisonnier et décèdera peu après, les autres membres du groupe peuvent s’échapper, parmi eux Néné Franchi de Petreto Bicchisano.
En représailles à cette action héroïque, les italiens opèrent une rafle dans le village natal de Jules Mondoloni et 45 habitants de Petreto Bicchisano sont arrêtés, 33 seront déportés au nombre desquels Charles Bonafedi . Ce dernier sera emprisonné à l’île d’Elbe puis en Autriche avant de s’évader et rejoindre les partisans yougoslaves de la brigade Gubec. Il meurt au combat le 2 mars 1945. Sa dépouille repose à Radohova Vas en Slovénie. Une stèle lui a été dédiée à l’entrée du village face à l’ancienne forge tenue par son père.
Autres victimes de la rafle Antoine Cornéani mourra en Autriche, Dominique Leandri, Pierre André Olivesi et Jules Secondi décèdent des suites de leur déportation. Après la fusillade de la Brasserie nouvelle, les résistants du village intensifient leurs actions, en juin sur la route de Petreto à Aullene, François Mondoloni et Jean Vellutini attaquent une patrouille de carabiniers. Peu après, Dominique Bighelli, Charles Giacomini, François Susini et Ribello montent une embuscade contre le chef des carabiniers de Serra di Scopamene et tuent trois soldats.
Le maquis du village contrôle les cantons de Petreto Bicchisano, Olmeto et Serra di Scopamene.
Dominique Bighelli, condamné par contumace en est le responsable politique, il est secondé par Charles et Jean Baptiste Giacomini, François Mondoloni, Joseph Buresi, Charles Olivieri, Charles Vinciguerra, Jean Nicoli, Jules Mondoloni, Arthur Giovoni originaire de Moca Croce, Paul Arrii et bien d’autres. Le 7 aout au retour d’une mission vers les Martini, Dominique Bighelli et Jean Baptiste Giacomini trouvent la mort au col de Foce Livesi au cours d’une embuscade tendue par plus de 300 italiens avertis de leur passage. Jean Marc Mondoloni sera blessé au cours de l’accrochage. Une plaque scellée à l’endroit du massacre fait l’objet d’un hommage annuel rendu par les habitants chaque 7 aout en mémoire des deux glorieux martyrs du village.
Le jeudi 9 septembre 1943 l’ordre d’insurrection sera lancé depuis Ajaccio, le treize, 108 hommes du Bataillon de choc débarquent du sous marin Casabianca. Le 4 octobre Bastia est libéré, la bataille de Corse est terminée. Ailleurs et sous d’autres cieux des enfants du village ont combattu l’ennemi comme Vincent Colonna d’Istria tué dans les opérations de résistance dans le Gard et inhumé dans son village ou encore ou encore Jean Toussaint Fieschi et René Tomasini pour ne citer qu’eux.
Antoinette Carlotti, Marcelle Lorenzi, Lucie Secondi, Mémé Bighelli, Angèle Giacomini, autant de femmes du villages qui ont eut un rôle essentiel dans les liaisons et le ravitaillement tout comme de nombreux anonymes qui au péril de leur vie n’ont pas hésité à aider ou cacher ceux dont la tête était mise à prix.
Dans un extrait de sa lettre devenue célèbre et adressée à ses parents le 25 aout 1944, Charles Bonafedi disait :
« Si vous restez longtemps sans nouvelles de moi ne désespérez pas de moi car s’il m’arrivait malheur vous seriez prévenu, mais si cela arrivait, ne me pleurez pas, je serais mort en tachant de faire mon devoir ».
Le 2 mars 1945 il était tué au combat, il avait 21 ans.
Références : Tous bandits d’honneur de Maurice Choury, Bulletin des Amis de la Résistance de Petreto Bicchisano www.resistance-corseasso.fr .
Textes: Daniel Breton – Photos D. Breton- Jean Claude Arrii